C'est donc dans L'intention poétique, en 1969, que Glissant consacre à l'œuvre de Claudel son analyse fondatrice, qui prend place dans une section intitulée « De l'un à l'univers », au sein du chapitre « Le Je de l'autre » où tour à tour, Segalen puis Saint-John Perse qui sont abordés, dans l'optique de cette « mesure de la démesure ». À l'instar de ces deux textes, la poétique claudélienne est abordée essentiellement (et sous l'angle du questionnement) selon son positionnement vis-à-vis de la présence au monde, en déterminant les canons spécifiques de cette « mesure ». Un texte particulièrement dense, comme toutes les approches critiques de Glissant, et qu'il faut relire en son détail.
Édouard Glissant, L'intention poétique (« Le Je
de l'autre » - « De l'un à l'univers »), Cliquer ci-contre
L'entretien proposé ci-contre a été enregistré à Paris en mai 2007, pour les Rencontres de Brangues. Édouard Glissant est interrogé par Jean-Pierre Jourdain, directeur artistique et délégué au projet de TNP au théâtre de Viileurbane. Il y revient sur cette conception d'un Claudel qui a fait entrer dans la poésie une ouverture au monde et dans le théâtre une nouvelle mesure du temps. En tant qu'enseignant, Glissant transmettait avec prédilection les Cinq grandes Odes et l'Art poétique, lieux privilégiés selon lui d'un tournant de la poésie vers la connaissance et l'attente du monde. Il revient aussi sur cette idée d'un soubassement de la matière et du rythme du monde qui irrigue selon lui de part en part l'œuvre de Claudel, et qu'il convient de percevoir sous les traits connus d'un rapport prétenduement traditionnel à la foi et à la pensée. C'est d'ailleurs ce motif d'une quête de tout ce qui échappe aux évidences au sein des grandes œuvre de la littérature, qui fonde la démarche critique menée par Glissant dans ses essais.
C'est donc dans ce contexte que nous revenons ici sur ce que fut la lecture glissantienne de l'œuvre de Claudel, avec la diffusion d'un entretien inédit de l'écrivain avec Jean-Pierre Jourdain en mai 2007 pour les Rencontres de Brangues. Glissant y développe sa conception de la poésie et du théâtre de Claudel, une œuvre qu'il avait coutume d'envisager, depuis L'intention poétique en 1969, dans une triade complémentaire avec celles de Segalen et de Saint-John Perse - toutes trois engagées dans la « mesure de la démesure », dans la conception glissantienne. En ce moment si décisif pour la connaissance de Claudel, l'ITM et ÉdouardGlissant.fr proposent de se replonger dans cette vision à la fois herméneutique et intuitive de la parole de Claudel par Glissant, vision sur laquelle, outre le texte fondateur de L'intention poétique à nouveau proposé ici, il eut l'occasion de revenir à maintes reprises, et à exposer dans son enseignement, auprès de ses étudiants à Baton-Rouge et à New York.
ÉDOUARD GLISSANT : Claudel, la connaissance et la matière du monde
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Pour sa sixième Fiche pédagogique et conjointement au site de l'Institut du Tout-Monde, Édouard Glissant.fr vous propose de revenir sur la lecture de Claudel par Édouard Glissant. En ce mois de novembre 2017, on a récemment connu un tournant dans la connaissance des conditions d'élaboration de l'œuvre de Claudel et de ses implications biographiques, avec la publication dans la collection Blanche de Gallimard, des lettres de Paul Claudel à Rosalie Vetch, le modèle d'« Ysé » du Partage de Midi et de Doña Prouhèze du Soulier de Satin. Surtout à la faveur d'une publication chez Gallimard par l'un des plus éminents claudéliens, Gérald Antoine (à titre posthume : le critique étant décédé en 2014, l'édition est dirigée par Jean-Yves Tadié), auteur du classique Paul Claudel ou l'enfer du génie. Dans une certaine mesure, mutatis mutandis, l'événement rappelle ce que représenta l'édition en 1987 (toujours dans la Blanche de Gallimard) des Lettres à l'Étrangère, correspondance échangée par Alexis Leger avec Lilita Abreu, l'inspiratrice de l'« Étrangère » du poème d'« Exil » de Saint-John Perse. À ceci près que dans le cas de Claudel, les répercussions et les implications de la relation à Rosalie Vetch sont bien plus considérables, du point de vue de l'œuvre elle-même (l'œuvre théâtrale en particulier) et des conceptions spirituelles de l'écrivain, déchiré entre la passion et le devoir.
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