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Une pensée archipélique

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© 2012 Edouard Glissant - Une pensée archipélique. Site officiel d'Edouard Glissant conçu, écrit et réalisé par Loïc Céry

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Poète visionnaire, écrivain et essayiste, distinguished professor à la City University of NY, Edouard Glissant est l'auteur d'une œuvre foisonnante étudiée dans le monde entier. Penseur du Tout-monde, cette nouvelle appréhension du monde vivant comme un tout relationnel, Edouard Glissant a publié chez Galaade en 2010 une anthologie d'un genre nouveau, effaçant les frontières du temps, de l'espace et des vieilles hierarchies de valeur : La terre, le feu, l'eau et les vents. S'y côtoient poésie peule et déclarations de Mohamed Ali, Césaire et Diderot, les Upanishad et  Karl Marx, Bashô et Mallarmé, Freud et des chants précolombiens. Edouard Glissant est également l'auteur de 10 mai, mémoire de la traite négrière de l'esclavage et de leurs abolitions, textes qui ont fait et défait l'esclavage. L'entretien, réalisé chez le poète à Paris, a été enregistré peu de temps après la publication de ces deux ouvrages, et diffusé en deux parties le 18 juin et le 16 juillet 2010.



Première partie :


Dans cet entretien portrait, Edouard Glissant revient sur la petite légende de sa naissance, évoque sa pensée de la Trace, de la Terre en opposition à la pensée de Territoire, son nom et celui de sa mère, son rapport à l'Histoire, et en particulier celle de l'esclavage.  Il revient également sur la conception de l'ouvrage 10 mai, mémoire de la traite négrière de l'esclavage et de leurs abolitions, et lit - quel privilège - un extrait de son long poème épique Les Indes.


Sont également lus au cours de cette première partie, des poèmes de l'anthologie du Tout-Monde :


- Chant de l'Ancien Mexique, poème précolombien

- Poème de Michael Smith en créole jamaïcain (déclamé par le poète jamaïcain lui-même)

-  « Making hystory- mekkin histri »de Linton Kwesi Johnson


et Shape and motion, poème de Martin Carter, chanté par Liston Kwesi Johson, conclut ce premier volet.



Deuxième partie :


Edouard Glissant nous explique ici son concept de la créolisation du monde, sa vision du racisme dans la France d'aujourd'hui et revient sur sa participation aux grands mouvements des décolonisations et aux deux Congrès des écrivains et artistes noirs, de 1956 et 1959, initiés par Alioune Diop et conclut par la célèbre injonction d'Aimé Césaire : « Laissez entrer les peuples noirs sur la grande scène de l'Histoire ». Il revient également sur son parcours politique et poétique après 1959 et son retour à la Martinique.


Sont lus au cours de cette seconde partie, des poèmes de l'anthologie du Tout-Monde :


- Les deux aïeux, de Nicolas Guillen

- Extrait de Peaux noires, masques blancs  Frantz Fanon

- Notre terre, de Langston Hughes


ainsi que des extraits de:

- « Culture et colonisation : l'équilibre antillais » d'Edouard Glissant

- « Lettre ouverte au ministre de l'Intérieur de la République française à l'occasion de sa visite en Martinique », co-écrit avec Patrick Chamoiseau




Souvenir d'une rencontre


Rencontrer Edouard Glissant ne fut pas chose facile. D'une part parce que le poète du Tout-monde n'était pas souvent à Paris, et d'autre part, compte tenu de  son niveau d'exigenc... Aussi est-ce sans doute le facteur chance qui a joué ici. Car c'est grâce à son épouse, Sylvie Glissant - qui ne me connaissait pourtant pas - que j'ai pu obtenir de l'éditeur un rendez-vous. Quand je suis arrivée à l'appartement parisien proche des Invalides, j'ai sonné plusieurs fois. On ne m'attendait pas, on m'avait oublié.  Edouard Glissant se demandait quelle était cette journaliste inconnue venue perturber la quiétude de sa matinée... Après m'être annoncée et avoir présenté mon émission, je dus souligner que j'avais l'année précédente lu en direct le Manifeste des produits de haute nécessité, dans une émission intitulée La créolisation du monde. Et ce sur la demande de Patrick Chamoiseau avec qui j'étais alors entrée en contact dans l'espoir d'une interview...  Mais cela ne suffisait pas à Edouard Glissant, il était sceptique. Je lui dis, pour le rassurer, qu'on allait commencer l'entretien et que si cela ne lui convenait pas, on arrêterait. Je commençai donc mon interview dans des conditions un peu particulières. 


Puis le fil des questions s'est déroulé, la pensée de Glissant s'est mise en marche, et ce fut un moment intense. Toujours sur le fil du rasoir. J'avais sans doute l'air naïve de lui marquer mon admiration avec autant d'insistance mais c'était sincère et seul cela comptait. J'étais devant un grand poète et un grand penseur. Il me recevait chez lui, avec une grande élégance malgré ses doutes. "Heureux de vous recevoir". Et surtout, comme l'a très bien dit Laure Adler, c'était rare d'entendre une pensée en train de s'élaborer devant vos yeux, avec un tel souci de précision et de justesse.


Un moment intense et aussi, quelque part, une épreuve. Il me mettait à l'épreuve, ne me "ménageait" pas, n'hésitant pas à être critique. Ainsi par exemple alors que je lui demandais comment il en était venu à conceptualiser l'idée de la créolisation,  il me répondit:  "Mais pourquoi vous voulez-vous toujours savoir comment ça s'est fait ? Allez demander à quelqu'un comment ça se fait que vous ayez l'idée... demandez à Deleuze comment il a eu l'idée du rhizome"... ou Encore "ça n'a pas d'intérêt!"... Des remarques que j'ai préféré, bêtement sans doute, ôter au montage. 


A l'issue de l'entretien pourtant, après être parvenue à passer l'épreuve du feu, j'étais heureuse : j'avais réussi mon pari. Il n'avait pas arrêter le micro, il s'était prêté jusqu'au bout au jeu de l'entretien. Et surtout, il en était finalement satisfait et presque surpris que je sois parvenue à lui faire dire autant de choses. Ma façon à moi de lui rendre hommage et de perpétuer sa voix. 


                                                                                                                                      Sophie Haluk

A l'occasion de la rediffusion sur le site de ses entretiens avec Edouard Glissant, entretiens enregistrés en 2010 pour Aligre FM, la journaliste Sophie Haluk nous propose une présentation de ce document en deux parties mis en ligne au sein de la Médiathèque. Un entretien émouvant, puisqu'il s'agit de l'un des derniers qui ait été accordé à une radio par l'écrivain. Il y revient sur nombre de notions, autour de l'idée centrale de créolisation, et de ses déclinaisons possibles aujourd'hui. Une archéologie aussi, de cette idée maîtresse dans la pensée de Glissant : en développant une analyse des mouvements de décolonisations au XXe siècle ou en établissant des variations subtiles autour de la notion de territoire, c'est autant de fondements agissant de la créolisation qui nous sont proposés au cours de cet entretien passionnant, rondement mené, dans la patience et l'écoute.

Edouard Glissant sur Aligre FM

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